Entre le 7 et le
19 octobre 1789, Augeard, Seigneur de Buzancy, secrétaire des commandements
de Marie-Antoinette, lui propose de fuir en passant par son château
de Buzancy.
(Extraits des "Mémoires
secrets" de Jacques Mathieu Augeard, publié chez Plon en 1866.)
La
situation est critique
…Elle
me raconta (la Reine) alors, toutes les horreurs des journées des
5 et 6 octobre 1789, et dans les plus grands détails.
" La Reine me fait-elle l'honneur de me faire part de toute ces atrocités
pour me demander conseil ?
- Oui, assurément.
- Votre majesté est prisonnière.
- Mon Dieu ! que me dites vous là !
- Madame, cela est très vrai. Dès que votre majesté n'a plus sa garde
d'honneur, elle est prisonnière…
Que
faut-il faire ?
…L'Empereur
(d'Autriche), votre frère, ne peut vous donner aucun secours, sa
vilaine guerre avec les Turcs l'occupe ailleurs et ces scélérats lui donnent
dans ses provinces belgiques du fil à retordre ;
Il faut absolument lui faire envisager l'affaire de la France comme la
sienne propre ; il serait nécessaire qu'une personne sûre et fidèle et
en qui il aurait la plus grande confiance se rendit à Vienne à cet effet.
- Effectivement, c'est bien notre intention.
- Je ne connais qu'une personne au monde capable de remplir cette mission.
- Et qui donc ?
- C'est votre majesté.
- Quoi je laisserais seul le roi ?
- Je ne connais qu'un seul moyen, et il est infaillible, pour sauver les
jours du Roi, les vôtres, ceux de vos enfants, Madame, et ceux de l'Empire
: C'est de vous en aller avec Madame Royale et Monsieur le Dauphin habillé
en petite fille, non pas en Reine, non pas en princesse mais en simple
particulière...
Le
plan d'Augeard
..."
Quand votre majesté sera absolument décidée, j'écrirai à ma fille de revenir
à Paris. Je ne lui ferai part de rien, mais je lui dirai que les parents
de Madame la marquise de Gimecourt, qui a une terre près des miennes,
m'avaient chargé de ramener la bonne et ses 2 enfants, et que nous partirions
à huit heures du soir.
Je me trouverai dans l'appartement de madame Thibaut, votre première femme
de chambre, à sept heures et demie. A ce moment, le service de M. le dauphin
est entièrement fini ; vous le ferez monter par le petit escalier dérobé
qui monte à votre appartement ; On l'habillera en petite fille de la même
étoffe et de la même couleur que Madame Royale ; puis vous monterez avec
madame Thibaut au haut des combes, où est un escalier qui se rend à la
cour des princes.
Là il se trouvera un carrosse très simple, à deux chevaux qui vous conduira
à la porte de mon hôtel (Boulevard Montmartre à Paris),
et si votre Majesté veut, je l'accompagnerai ; si elle aime mieux, je
l'attendrai chez moi avec ma fille.
" Nous monterons ensuite dans ma voiture ; la Reine se mettra sur le devant
comme une gouvernante, avec ses deux enfants (le jeune Dauphin et Madame
Royale), afin d'éviter toute espèce de soupçon à mes courriers, qui
sont bien connus sur la route, puisqu'on m'y voit douze fois par an. Je
serait muni de mon passeport et de ma permission de poste.
"Après la sortie de Paris, il faudra bien mettre ma fille dans la
confidence puisque votre Majesté veut bien la souffrir quelquefois à son
jeu, et que, par conséquent, il serait impossible de ne pas reconnaître
la Reine.
" Nous serons à la pointe du jour à Braisne, c'est à dire à quatre lieues
au delà de Soisson et pour lors j'exigerai de Votre Majesté de se remettre
et ses enfants sur le devant de sa voiture, de peur de donner toujours
à mes gens le moindre éveil. Nous serons à Reims à 9 heures.
- " Mais si j'allais y être reconnue ; si nous pouvions l'éviter ?
-" Cela serait facile : Il faudra dans ce cas quitter la poste à
une lieue de Reims, y avoir un relais qui nous mènerait à Saint-Thierry,
maison de campagne de l'archevêque. Votre Majesté y déjeunerait avec ses
enfants, et le même relais nous mènerait à la poste d'Isle, quatre lieues
au dessus de Reims. Nous prendrions une traverse de cinq lieues, très
bonne, qui mène à la poste de Pauvre, où il n'y a que cinq ou six maisons,
puis à Vouzières par la plus belle route.
"Pour y arriver (à Buzancy) vous ne passerez pas même
par la municipalité. La Reine entrera par mon parc pour descendre au château.
Pendant qu'elle mangera un morceau, on examinera la voiture pour voir
si il n'y manque rien, et, à l'effet de ne pas perdre une minute et d'éviter
de prendre la poste, on mettra en même temps les chevaux, qui nous conduiront
à un petit quart de lieu de Stenay, où sera un relais à moi. Nous n'aurons
plus que quatre petites lieues pour être à la frontière, sans passer par
aucune ville…
La
Reine hésite
...-
Je suis très contente de ce que vous me dites. Je ne balancerai pas un
moment sans le Roi; mais je ne pourrai pas me résoudre à le laisser seul
: je crains trop pour ses jours.
- Vous les sauverez, Madame, car quand i!s n'auraient plus la mère et
les enfants à leur disposition, ils mettraient plutôt le Roi dans du coton
que de lui faire le moindre mal. Ces gens-là savent que les Rois ne meurent
jamais en France.
Je la revis le lendemain matin, et toujours dans les dispositions de profiter
de l'avis que je m' étais permis de lui donner. Elle me fit seulement
des difficultés sur ce qu'elle aurait préféré que je l'eusse attendue
à Buzancy avec ma fille...
La
Reine refuse
...La
Reine n'a changé d'avis que le 19; elle m'avait beaucoup parlé la veille
du départ du duc d'Orléans pour l'Angleterre, et … que c'était une faiblesse
de le laisser partir.
Je lui répondis : " Mais depuis quatre mois le trône ne vit que de faiblesses
. - Au surplus, me dit-elle, quand il sera Ià-bas, nous serons plus tranquilles
et plus en sûreté.
" C'est peut-être parce qu'elle, s'est crue plus en sûreté qu'elle a changé
d'avis le lendemain. Au surplus, voici ce qu"elle m'a ajouté :
" Toute réflexion faite, je ne partirai pas : mon devoir est de mourir
aux pieds du Roi...
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de la "Fuite de la Reine" ici
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